Présentation du thème 1 du 8 septembre 2024
Est-ce que la culture permet à l’homme de gagner le bonheur, ou seulement de le mériter ?
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B- La critique des thèses de G. Simmel par E. Cassirer
la vie de l’esprit ne cesse de se dédoubler entre objectivation et subjectivation, selon un processus croissant qui ne saurait comporter véritablement de fin. L’âme se retrouve confrontée à ses propres créations comme autant de « solidifications » étrangères qui menacent de l’anéantir
1 – La réalisation de la raison (Hegel)
– Les thèmes du problème de l’histoire tel que Rousseau, ou Schopenhauer dont le pessimisme historique semble s’opposer à la conception hegelienne , pour laquelle l’histoire humaine n’est rien d’autre, jusque dans ses périodes les plus sombres, que la réalisation de la Raison dans son effectivité concrète (Wirklichtkeit).
On retrouve chez Rousseau-Schopenhauer une conception tragique de la culture constituée par une vision pessimiste du devenir de l’humanité… la raison est incapable de mener au bonheur ; bien plus la culture est le lieu même de l’aliénation humaine, dans la mesure où contrairement à la théodicée hegelienne, le mal y est irréductible…
– Certes, Hegel n’affirme pas que l’histoire est le lieu du bonheur, mais cela n’entame pas la thèse de la rationalité fondamentale de l’histoire.
Une telle conception semble intenable « que signifie demande Cassirer, la victoire de l’idée dans l’histoire de l’humanité, quand elle a pour rançon la renonciation à tout bonheur humain . La culture , dans les époques les plus fécondes de la culture, comme une aliénation toujours plus grande des buts véritables de l’existence » (Cassirer)
C’est ce que dit Rousseau à l’encontre des arts et des sciences. L’accusation rousseauiste a ébranlé le rationalisme du 18ème siècle jusque dans ces fondements, et a exercé sur Kant, une profonde influence, grâce à lui libéré du pur intellectualisme. La pure culture rationnelle ne suffit pas à conduire l’humanité au summum de sa valeur.
2 – Kant élimine radicalement l’eudémonisme
Mais même si Kant est persuadé de l’échec de toutes les tentatives philosophiques dans la théodicée ; aussi reste-t-il pour Kant que l’élimination radicale de l’eudémonisme. Il faut recourir à une autre échelle de valeurs, pour laquelle l’essentiel n’est pas ce que l’être humain reçoit de nature, mais bien plutôt, ce qu’il fait et ce qu’il devient lui-même grâce à ses actes ? La culture ne permet pas à l’homme de gagner le bonheur suprême, mais seulement de le mériter. Son but n’est pas la réalisation du bonheur sur terre, mais celle de la liberté, de la véritable autonomie qui signifie la maîtrise morale de soi-même.
3 – Le drame de la culture selon Cassirer
Mais dit Cassirer, à peine a-t-on adopté la réponse kantienne, qu’une contradiction apparaît plus profonde «est-ce que l’homme peut trouver dans la culture, l’accomplissement de l’essence intelligible qui lui est propre et parvenir ainsi au développement de toutes ses forces et dons spirituels ? »
Cela ne pourrait-être le cas que si l’homme franchissant toutes les barrières de l’individualité était capable d’élargir son moi aux dimensions de l’humanité toute entière. Et ces tentatives d’élargir son moi, aux dimensions de l’humanité toute entière que le sujet individuel ressent d’autant plus douloureusement ses limites.
Dans le problème de la tragédie de la culture, G. Simmel désespère de trouver une solution . C’est qu’en fait entre l’âme et le monde, il y a toujours une certaine tension . L’homme ne peut pas non plus gagner l’univers spirituel sans y perdre son âme.
La vie de l’esprit suppose un progrès constant, la vie de l’âme un repli toujours plus profond sur soi-même. Les buts et les voies de l’esprit objectif ne peuvent jamais être les mêmes que ceux de la vie subjective
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Ce que veut la vie précisément n’est rien d’autre que l’agitation et sa débordante plénitude.
Quelle est la finalité ultime de la culture ? Cassirer entrevoit une solution possible au problème de la tragédie de la culture . Quelque richesse de signification et de contenu que puisse avoir une œuvre culturelle, ll n’est et ne demeure qu’un point de passage. Cette incomplétude de l’oeuvre n’est pas un inconvénient qui en annulerait la valeur, bien au contraire : car elle n’est incomplète qu’au regard de l’artiste qui la crée. Mais pour nous qui la recevons, elle s’affirme comme d’une ampleur et d’une richesse infinies. Les vrais chefs d’oeuvre ne sont jamais pour nous quelque chose de figé, pétrifié. Cette singulière interpénétration de soi et d’autrui s’applique par exemple à la Renaissance toute entière
Il convient de relativiser la tragédie de la culture. Au sein d’une culture, des forces antagonistes ne cessent de s’affronter. Les tendances qui visent à conserver ne sont pas moins importantes que celles qui visent à renouveler
Kandinsky
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